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3-déc.-2014 18:40 Il y a : 9 année(s)
Catégorie(s) : Législation, règlementation, Prélèvements et greffes d'organes, Soins palliatifs et arrêt des traitements
Auteur : Robin Cremer

Prélèvements d'organes après arrêt des traitements : quelles sont les difficultés ?

L'hôpital d'Annecy vient de recevoir l'autorisation de mettre en œuvre le prélèvement d'organes chez les personnes décédées après une décision d'arrêt des traitements en réanimation. Il s'agit du premier acte d'une phase pilote avant la généralisation de cette pratique. Quels sont les risques liés à cette pratique ?

L'agence de biomédecine (ABM) a annoncé sur son site internet qu'elle venait d'autoriser l'hôpital d'Annecy Genevois à effectuer des prélèvements d'organe chez des personnes décédées après arrêt des traitements en réanimation (catégorie III de la classification de Maastricht). Il s'agit du premier centre hospitalier à intégrer une phase pilote prévue pour durer un an, à l'issue de laquelle cette pratique qui est déjà effective dans de nombreux pays sera évaluée en terme de faisabilité, de résultats et de rentabilité. La candidature d'autres centres déjà habilités aux prélèvements d'organes chez les autres catégories de donneurs est en cours d'évaluation par l'ABM.

Depuis la promulgation de la loi Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite loi Leonetti) qui a donné un cadre légal aux arrêts de traitements en réanimation, le prélèvement d'organe chez cette catégorie de personnes décédées n'était pas illégal, mais il n'était pas possible faute de procédure réglementaire. En 2009, la mission parlementaire d’information sur la révision des lois de bioéthique s’est penchée sur les problèmes et les perspectives des prélèvements sur donneurs décédés après arrêt circulatoire. Les membres de la mission parlementaire ont auditionné un certain nombre de professionnels français et européens. Elle a invité les sociétés savantes à ouvrir un débat sur la procédure. En 2011, parallèlement aux réflexions du conseil consultatif national d'éthique (CCNE) et des commissions de la société de réanimation de langue française (SRLF) et de la société française l'anesthésie réanimation (SFAR), le conseil d’orientation de l’ABM a mené ses propres débats sur les questions éthiques que soulève la mise en place d’un programme de prélèvements d’organes sur personnes faisant l’objet d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques (LAT) en France. Le Plan Greffe paru en mars 2012, a recommandé le développement de programmes spécifiques de prélèvement dont celui sur les donneurs décédés après arrêt circulatoire. En juin 2014, le comité de pilotage ad hoc de l'ABM a rédigé un protocole réglementaire dont les grandes lignes ont été présentées aux espaces de réflexion éthique régionaux lors d'une réunion dans les locaux de l'Assemblée Nationale le 8 septembre 2014. De toutes ces consultations il est ressorti que l'utilité des greffes d'organes était telle qu'il y avait lieu d'affronter les nombreux obstacles théoriques, pratiques et éthiques à la mise en place de cette pratique. 

Le risque le plus apparent est le conflit d'intérêt. C'est le risque de voir décider des décisions arrêts de traitement dans l'idée d'un prélèvement d'organes. Ce risque est en partie limité par ce que l'ABM appelle "l'étanchéité des filières", c'est à dire la séparation entre l'équipe qui décide l'arrêt des traitements, d'une part, et celle qui prélève les organes, d'autre part. Mais, puisqu'on ne peut prétendre que les réanimateurs ignoreront tout des enjeux de la demande d'organe, c'est bien sur leur intention morale et leur méticulosité que reposera le caractère éthique ou non de la procédure.

Une difficulté importante est le statut de la personne soignée entre le moment où la décision d'arrêt des traitements aura été prise et sa mise en oeuvre effective. Par convention l'ABM qualifie le patient de mourant, mais les études de pratique ont montré que la survie après un arrêt des traitements n'était pas exceptionnelle. En cas d'évolution vers un état végétatif chronique ou vers un état paucirelationnel, comment pourra-t-on reconstruire un projet de soins formulé positivement sans revenir en arrière sur cette qualification ? Pendant cette période l'ABM autorise un certain nombre de gestes invasifs (pose d'un cathéter artériel, pose d'un désilet, héparinothérapie) qui seront réalisés avant  le décès, uniquement dans l'optique du prélèvement, sans bénéfice pour le patient. Ces gestes seront réalisés avant la consultation du registre des oppositions au prélèvement puisque celui-ci n'est actuellement consultable qu'après le décès. A l'heure actuelle on ne sait pas s'il est prévu le rendre consultable avant le décès dans le cadre de cette procédure.

Enfin, la question la plus délicate est la définition de la mort induite par cette procédure. A l'heure actuelle, le procès verbal de décès conforme à l'article R671-7-3 du code de la santé publique prévoit deux situations permettant le prélèvement d'organes : (1) la mort cardiaque : arrêt cardiaque persistant et absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée et abolition de tous les réflexes du tronc cérébral et absence totale de ventilation spontanée et (2) la mort cérébrale : absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée et abolition de tous les réflexes du tronc cérébral et absence totale de ventilation spontanée avec un EEG plat ou une angiographie cérébrale nulle chez une personne à cœur battant en ventilation mécanique. La procédure prévoit une troisième situation autorisant le prélèvement qui peut se résumer ainsi : absence de pulsatilité artérielle pendant au moins 5 minutes chez une personne ayant été l'objet d'un arrêt de traitements. A l'heure actuelle, on ne sait pas s'il s'agit d'une nouvelle définition de la mort ou  d'un abandon de la règle du donneur mort.

Téléchargez le protocole réglementaire sur le site de l'ABM

Mots-clés
don d'organes
mort
éthique

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